Ça roule !

Départ 7h. Après les enchainements de la veille mon esprit est en mode « keep moving ». Les choses se passent donc naturellement, sans trainer les pieds au réveil. Il faut dire qu’un petit déj œuf/confiture/beurre/dulce de leche, ça met en forme.

A l’extérieur, trois 4×4 sont en ligne, prêts à charger les sacs, prêts à filer dans l’Altiplano. Je fais connaissance avec Johnny notre chauffeur puis avec Mélanie et Matthias, un couple de français avec qui le courant passe tout de suite. Manque de bol pour Sean, on jacasse directement en français et vu que Mélanie est encore plus bavarde que moi, les conversations sont longues.

Sur les 3 voitures, nous sommes un cas à part. On est partis pour un tour de 5 jours (au lieu de 4) avec l’ascension d’un volcan à 6000m en rab. On se retrouve donc vite seuls sur la piste en ne croisant les autres groupes qu’à certains arrêts communs et le soir.

Première virée au dessus des 4000 m

Cette première journée est la plus longue, on roule. Malgré tout Johnny est vraiment une crème, d’abord il s’adapte à notre niveau en espagnol pour que tout le monde puisse le comprendre mais surtout il est toujours ok pour s’arrêter quand on lui demande. Ce qui fait que quand un Condor apparait après 30min de piste, j’use et abuse de sa gentillesse pour avoir la bête en photo.

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Le reste des visites fait d’abord dans le culturel entre la session photo de lamas pour touriste et un village espagnol aujourd’hui en ruine. Ici, le colonisateur avait plus ou moins réduit en esclavage la population locale pour exploiter une mine d’argent et d’or (entre autres) mais avait finalement été  décimé par la peste.

Côté naturel, outre le Condor, on croise aussi le Nandou (le cousin sud-américain de l’Autruche) quelques limicoles et passereaux se font voir occasionnellement et un premier lézard en prime. Mais surtout on voit aussi les premières Vigognes, cousin sauvage du Lama.

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Ce premier jour est aussi un premier contact avec les hautes altitudes avec le point le plus haut de la journée à 4855m (prend ça dans les dents le Mont Blanc !). Depuis mon arrivée à Tupiza la veille, je ressens la raréfaction de l’oxygène, la respiration est un peu plus laborieuse et la montée d’un étage me fait souffler comme après une voie d’escalade 5C+. Mais Johnny nous initie à la chique de Coca qui a pour effet de bien éclaircir l’esprit et atténuer les effets du mal de l’altitude (ou Sorroche pour parler local).

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Mais les paysages sont stupéfiants, avec des couleurs qui varient entre les ocres, jaunes, rouges et le vert de la végétation et des perspectives sans fin (ou presque), du jamais vu jusqu’à maintenant.

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Le soir on retrouve les deux autres groupes pour un apéro à base de thé avant un repas riche tant en quantité qu’en qualité, le tout en discutant de bière avec un voisin belge d’un autre groupe.

Session ornithologie à haute altitude

Jour 2 – Aujourd’hui, la journée est dense. On commence à découvrir les lagunes mais avec l’ascension à 6000m le lendemain (laquelle nécessite un lever à 2h30), la journée sera écourtée.

Côté naturel, on rentre dans le vif du sujet. Dans cette région au-dessus de 4000m, les oiseaux rencontrés sont soit des espèces adaptées à ce climat aride et tantôt chaud et froid (un peu désertique oui) donc peu nombreuses, soit se concentrent sur les zones humides et lagunes présentes régulièrement, c’est ce second cas de figure que l’on croise le plus aujourd’hui.

Les zones humides sont surtout des ruisseaux qui s’étalent un peu ce qui permet à la végétation de se développer et où le vert tranche avec les couleurs ocre de l’arrière-plan.

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Les espèces croisées sont essentiellement des canards (Sarcelle tachetée, Ouette des Andes, Canard huppé), des passereaux et quelques limicoles en migration (Courlis esquimau, Bécasseau de Baird) mais ces derniers sont plus nombreux sur les lagunes, à côté des Flamants.

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Côté lagunes, la faune est effectivement plus nombreuse. Elle est déjà plus visible avec les groupes de Flamants impossibles à rater. Sur les 3 espèces présentes dans le sud-Lipez, on en croisera 2 aujourd’hui : le Flamant de James et le Flamant des Andes.

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Malheureusement, en longeant la lagune, une partie des flamants, dérangée, s’envole vers le centre. Alors que nous sommes que 4 personnes, je m’inquiète du dérangement qu’entraine le passage répété de touristes près des lagunes dans cette partie qui est la plus touristique de Bolivie, et pourtant on ne se trouve pas sur la lagune la plus fréquentée.

A côté des Flamant les limicoles ne sont pas aussi farouches et on peut facilement observer Bécasseaux de Baird, Phalarope de Wilson (migrateurs) et Pluviers de la Puna (nicheur) à côté de divers passereaux (encore non identifiés) et un Thinocore d’Orbigny.

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La pause de midi est, pour ceux qui sont motivés, l’occasion de prendre un bain dans une source chaude face à un lagune, mais vu le monde, je passe, on est loin du Baïkal.

L’après-midi, on voit approcher notre objectif du lendemain, le Licancabur et ses 6000m (5960 en vrai), et à ses pieds les Lagunas verde et blanca, à côté de laquelle se trouve notre hôtel pour cette (courte) nuit.

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On a signé, c’est pour en chier

Tout simplement la rando la plus tuante jamais vécue. Déjà le réveil à 2:30 pose le truc, puis le petit-déj à 3 et le départ à 4h annoncent du lourd pour la suite. On est 8 barjots à tenter l’ascension (spoiler, tout le monde n’y arrivera pas).

Le départ se fait à 4800m, la respiration doit donc se gérer radicalement différemment par rapport à toutes mes expériences passées, en gros je ventile à fond dès le début pour capter le plus d’oxygène possible. Les pas sont petits, mesurés, on ne force pas.

Le lever du soleil est l’occasion de sortir l’appareil photo pour mitrailler toutes les minutes avec le changement de lumière progressif, mais ça sera le seul moment, avec le sommet (spoiler, j’y arrive) où il sera de sortie.

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5000 m : la tête

Jusqu’à 5000m, le rythme est assez bon, mais passé ce cap les choses commencent à changer. Si deux randonneurs se la racontent en traçant loin devant tous les autres sans guide, le reste du groupe se scinde en 2 selon la réaction au Sorroche.

Si je débute dans le premier, je me retrouve vite largué avec les premier effets du mal des montagnes, à savoir un mal de tête, petit au début, mais qui va crescendo, tout comme le rythme des inspirations/expirations (une pour un pas). Je ventile encore plus à fond, c’est seul moyen (avec l’eau) de limiter la vis qui s’enfonce lentement dans mon crâne. Mais étant entre les 2 groupes, pris dans la caillasse et la neige, sans guide, j’arrête tout et attend les suivants pour me caler sur leur vitesse, la bonne idée.

5500m, la gerbe

Passé les 5500m, les choses se corsent d’un cran, au mal de tête s’ajoute maintenant une vague nausée. Le terrain change aussi, on passe au milieu d’un chaos rocheux, sympa pour faire du bloc, mais une véritable torture dans notre état où chaque mètre est une épreuve. En progressant souvent à 4 pattes entre la neige et les rochers, le moment de se relever est une explosion de souffrance. Le guide répète « se puede, se puede » mais mes deux voisins lâchent l’affaire alors que je donne tout ce que j’ai et même plus pour parvenir jusqu’au col, à 5900m.

De là, je pleure presque en voyant qu’il reste une montée d’une centaine de mètres jusqu’au sommet, montée que je ferai en courant en Europe. Mais, bien décidé à en finir, il me faudra 20 minutes et toute la force de mon mental pour compléter cette dernière ligne droite avec un cocktail d’effets secondaires du Sorroche quand le vertige s’ajoute au reste.

Au sommet en souffrance et une descente en forme de calvaire

J’atteins finalement le sommet (en dernier) alors que je suis sur le point de gerber mes tripes et tourner de l’œil en simultané. Je me force à prendre quelques photos de ce paysage somptueux avec le Chili et le désert d’Atacama d’un côté, et tout le Sud Lipez et la Laguna verde à mes pieds de l’autre côté.

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Si la montée a été dure, la descente est presque pire. Les vertiges et la nausée disparaissent mais le mal de tête entretient la souffrance, la vis que j’ai dans le crâne reste bien en place et mon eau a disparu. Mon guide est à l’aise et trace devant alors que je galère consécutivement dans les blocs, la neige et les gravillons qui transforment la rando en longue glissade.

Comme j’étais le dernier au sommet, les autres sont loin devant et c’est tout seul que je passe les 6h de descente en mode 100% caillasse casse-gueule, sans énergie, sans eau et un crâne fendu en 2 comme jamais.

Aux voitures à 15h, il faut encore rentrer récupérer les sacs à l’hôtel de la nuit précédente. Le repas qu’on nous y sert reste à moitié entamé, pas faim, juste une grosse déshydratation et une furieuse envie de s’écrouler. Mais bien sur, il faut rallier un autre hôtel pour ce soir, avec un arrêt à des geysers avant. Autant dire que la visite sera courte, d’autant plus que le soleil a disparu derrière une montagne et que le vent est glacial. Une fois à bon port, le repas du soir est l’occasion de découvrir le Pique-macho (frites, viande de bœuf, oignon, œuf dur, saucisse), qui sera complètement terminé avant de s’écrouler, en petits morceaux après cette épreuve.

Au final cette épreuve aura été une bonne expérience et l’occasion de dépasser ses limites, mais une fois ça suffit.

Lagunage tranquille

Jour 4-Le programme est cool. On enchaine surtout les lagunes pleines de flamants et avec de bonnes photos. La laguna colorada est magnifique avec cette lumière du matin et les flamants nombreux, ce qui me permet aussi d’observer la 3°espèce : le Flamant du Chili.

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Mais on roule beaucoup en enchainant les lagunes. En approchant du Salar d’Uyuni (Tunupa de son vrai nom), on croise une file de 4×4 quasi-ininterrompue, on se dit finalement qu’on a rudement bien fait de partir de Tupiza.

On arrive à l’hôtel de sel, mais la première impression laisse penser à l’arnaque, le bâtiment est en brique rouge peintes en blanc, mais l’intérieur est effectivement entièrement en sel, même les lits.

Le tour touche à sa fin, Mathias et Mélanie sont top, on discute, on échange comme entre potes avec de la bière (moyenne). Demain c’est le Salar au petit jour avant le retour à la civilisation. Mais avant, il reste encore une nuit et un lever à 4h30.

Un touriste comme les autres

Si on peut parfois se dire voyageur par une façon plus détendue, moins programmée de visiter et découvrir un pays, le Salar d’Uyuni est vraiment une activité touristique où l’on est… un touriste fondu dans la masse.

La programme est calé : lever du soleil à l’île aux cactus, petit déj, arrêt au véritable hôtel de sel, photos délires et marché aux souvenirs.

Si le paysage est impressionnant avec son horizon indéterminable où il est difficile de savoir lequel du ciel ou de la terre, les lagunes colorées m’auront fait plus forte impression, peut être le côté ornithologique. Ici seule l’ile aux cactus me permet d’observer une espèce de passereau (toujours non identifié) bien présent.

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Johnny nous droppe (Sean et moi) au terminal de bus d’Uyuni. Les 3h suivantes se passent assis sur mon sac, un bouquin en main en attendant le bus pour Potosi.

Le trajet est l’occasion de découvrir l’habitude des chauffeurs sud-américains de passer la même musique (résumée à 3 morceaux en l’occurrence) en boucle et à fond, pendant 3h, une certaine idée de la torture psychologique avant un apprentissage de la ville bolivienne.

2 commentaires pour “5 jours le souffle coupé”

  1. Ouaw ! ces photos de paysages ! C’est juste M A G N I F I Q U E ! Mention spéciale pour les montagnes + lagune avec Vigognes : les lumières sont trop belles… Enjoy it Auré !

  2. Souvenirs, souvenirs! Une suite de paysage incroyable, de variation de lumière et une ascension qui restera un défi physique! Grâce à ton article nous nous sommes retrouvés plongés dans nos souvenirs sur l’Altiplano l’espace d’un instant.
    Tes photos sont magnifiques! (On n’a pas encore eu le temps de trier les nôtres, j’espère qu’on ne va pas trop regretter l’absence de filtre…)
    On attend maintenant la suite de tes aventures!
    A bientôt,
    Mél et Matt

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