En partant de Kagoshima, je suis gonflé à bloc, la météo est au top, la tant attendue Yakushima me tend les bras à 4h de ferry de là. Sur le bateau, c’est sea-watch time, mais à défaut d’oiseaux marins, j’ai droit à plusieurs poissons volants et à une eau d’un bleu vif à l’approche de l’île, j’achète.

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Débarqué en début d’après-midi, le reste de la journée est occupé par les préparatifs des 3 jours à venir : repérage des bus, courses (nouilles instantanées et fruits secs), avertir le gérant de l’hostel de l’itinéraire (des fois que je me casse une jambe), dans les strating blocks pour le lendemain.

Galères et rencontres, saison 2

Mais avant même d’être parti, ça s’annonce déjà mal. Autant hier il faisait soleil, autant depuis le milieu de la nuit, c’est le déluge, si c’est pas de l’acharnement météorologique ça… Mais pas de renoncement possible, à 8h30, je saute dans le premier bus pour une correspondance et 50 min de marche jusqu’au refuge.

C’est à ce moment que les choses dérapent puisque comme une bonne quiche de classe internationale, je descends à l’arrêt « fifty-two » (52) au lieu du « sixty-two » (62). La seule correspondance (que je n’aurai pas, les deux bus se goupillent à la minute près) est à 4 bornes, il pleut des cordes, l’hostel est complète ce soir et le départ de la rando à 30 km, il y a pas à dire, je suis dans une belle merde…

A la limite de la panique, dans un abribus, sous une pluie diluvienne, je ne sais pas trop quoi faire et hésite entre 3 options :

  • Plan A : rejoindre le départ de rando : il est 13h, c’est à 30km et 1000m de dénivelé, plutôt mal barré.
  • Plan B : retourner à l’hostel : mort d’avance, c’est complet ce soir
  • Plan C : atteindre une autre hostel de l’autre côté de l’île, s’y sécher et aviser : pas optimal mais toujours mieux que passer la nuit dans cet abribus

Du coup j’attends le bus suivant en continuant à m’insulter copieusement. Mais il faut croire que les bonnes étoiles fonctionnement même par temps de pluie.

Maiko et Shogo, ou comment ils ont sauvé mon séjour à Yakusima

Dans le bus suivant, je prends la première place de libre, à côté d’une japonaise en tenue de rando. Et comme je devais avoir l’air con sous la pluie battante au milieu de nulle part, elle me demande où j’allais comme ça. Après avoir résumé ma situation, je lui retourne la question. Et c’est là qu’il se trouve que 1.Elle fait la même rando que ce que j’ai prévu et 2. Elle et son collègue ont réservé un taxi qui les attend au prochain arrêt de bus. Au bord de l’infarctus, je lui demande si il y a moyen de partager le taxi, sa réponse positive achève de relâcher ma pression intérieure et j’explose (intérieurement, on est au Japon quand même).

Je descends du bus sur un petit nuage (mais néanmoins sous la pluie) : je vais faire la rando prévue au départ, mais en plus avec Maiko et Shogo, 2 collègues randonneurs bien sympa et qui connaissent déjà le sentier. A l’avant du taxi qui nous amène au départ du sentier, je savoure mon bonheur et mon soulagement, la machine voyage tourne à plein régime.

La petite heure vers le premier refuge achève la journée en beauté avec une marche à travers une forêt comme je n’en ai jamais vu. Du bois mort à foison, des arbres énormes, tordus, moches (du point de vue d’un cultivateur de douglas), ici on est dans de la forêt réellement à évolution naturelle, une forêt bordélique, dense, sale, pas rangée et casse-gueule avec ses racines partout voire presque étouffante, aux antipodes des futaies régulières de Millevaches ou du Beaujolais.

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Jour 2 – ou comment je me suis transformé en éponge.

Au programme du deuxième jour, une dizaine de kilomètres avec le sommet de l’île au milieu. Mais si les paysages traversés doivent être époustouflants les jours de beau temps, avec quelques points de vue au-dessus des cimes, cette marche tourne au calvaire.

J’ai laissé Maiko et Shogo partir de leur côté, puisque je prévoyais de m’arrêter souvent pour faire des obs, tu parles. La pluie continue qui tombe et la végétation trempée transforment cette rando en test de volonté pour continuer à avancer, sans quasiment sortir les jumelles ou l’appareil photo. Même si j’ai conscience de ma chance d’être là, et reste émerveillé par la forêt qui m’entoure, je finis par ne me concentrer que sur chacun de mes pas, puisque le paysage autour du sommet est complétement bouché et que je ne suis plus qu’une grande éponge qui refroidit rapidement dès qu’elle s’arrête.

L’arrivée au refuge du soir me réserve une autre surprise puisque celui-ci est complètement plein. Je me dégote malgré tout 1,5m² dans un coin et change de vêtements, les seules affaires encore sèches avec mon duvet, tout le reste a pris l’humidité malgré la housse de pluie, y compris mon appareil photo. Un peu dépité par cette journée, je me glisse dans le duvet en même temps que tout le monde, mais il est 18h et je suis en position fœtale, la nuit va être longue.

Jour 3 – Frustration photographique et relâchement alcoolique

Ce 3° jour est plus tranquille : moins de distance qu’hier jusqu’à l’arrêt de bus. Mais il pleut encore et le démarrage est difficile puisqu’il faut commencer par remettre les pieds dans les chaussures froides et encore spongieuses de la veille.

Cette fois j’accompagne mes 2 collègues et heureusement parce que si je continue d’être captivé par la forêt qui m’entoure, toujours plus belle et vieille (avec des arbres vieux de 3 à 6 000 ans), la motivation est plus faible, surtout que mon appareil photo a bien pris l’humidité et toutes mes photos sont pourries par un voile blanc. On arrive finalement à la fameuse Mononoké-Hime qui a inspiré Miyazaki et effectivement, la forêt est très verte (la mousse est quasiment sacrée) et on ne peut plus bordélique, mais mon esprit reste tourné vers la douche brulante et la serviette sèche qui m’attendent à l’hostel.

Après 30 min d’attente et autant de bus, c’est la délivrance. Je lâche mon sac, loue un graande serviette, choppe des fringues sèches et me jette sous cette douche dont je rêve depuis 2 jours. J’y reste le temps de me liquéfier, le pied.

Je retrouve mes collègues pour un resto mérité avec un collègue de Shogo. Le resto en question est 100% japonais, pas de menu en anglais, on mange assis sur un tatami, et on retire ses chaussures avant d’entrer. Les autres commandent et on commence par des sashimis de différents poissons avec une bière pour enchainer sur plusieurs plats à base de poisson volant, la spécialité de Yakushima. Le tout est accompagné d’un alcool de patate douce mélangé à l’eau et des glaçons et je bois ça comme de l’eau, l’erreur ! Si en sortant du resto et dans le taxi de retour, tout va bien, une fois à l’hostel, la patate douce me met une grande claque dans la gueule, en un mot comme en cent, je suis complètement bourré et j’ai rien vu venir. Autant dire que le sommeil vient rapidement malgré la chambre qui tourne autour de moi et le lendemain, il me faut 2L d’eau pour ressusciter mon cerveau lyophilisé.

On sèche, on plie et on rentre

Je reste une journée de plus avant de partir, journée de repos, de déballage et de séchage (au sèche-cheveux) des affaires et aussi quelques rencontres, notamment avec des australiens aussi bourrés que moi la veille, mais qui suis-je pour juger ?

Le dernier jour, le bateau ne part qu’à 15h et il ne pleut pas, je tente donc une dernière sortie ornitho. La bonne idée, puisque je fais quelques coches : Pic kisuki, Mésange variée, Bruant à longue queue, bien plus que les 3 derniers jours.

4 autres heures (désagréables) de bateau plus tard sur une mer agitée mais néanmoins pleine de Fous bruns, c’est le retour à Kagoshima, prêt à activer le JR Pass pour exploiter à fond le réseau ferroviaire japonais pour cette seconde de moitié du séjour.

Commentaire pour “Ascenseur émotionnel à Yakushima”

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