La Cusco du nord
Depuis Tarapoto, je me laisse convaincre par Martin de prendre un avion pour rejoindre Chachapoyas. Il y en a pour 40 minutes contre 7h de bus pour le même prix. L’avion est en fait un petit bimoteur à hélice où l’on rentre à 10, autant dire qu’on sent plus les mouvements que sur un A380 et qu’une petite vrille se tenterai presque…
Après avoir laissé la moiteur amazonienne derrière nous, se retrouver en altitude est plutôt appréciable. La ressemblance avec Cusco commence ici et se poursuite avec les façades coloniales avec balcons et les rues piétonnes. Pour parfaire le parallèle, l’objectif du coin, c’est le Machu Pichu du pauvre : les ruines de Kuelap.
Grimper sans se fatiguer, pour une fois.
Malgré cette appellation réductrice, Kuelap est très différente du Machu Pichu. Déjà il y a le prix et ensuite le temps nécessaire pour accéder au site. Ensuite, alors que le Machu Pichu est entouré par les montagnes, les ruines de Kuelap ont plutôt tendance à dominer la situation. Enfin, alors que ce sont les Incas qui ont construit le Machu Pichu, Kuelap est une création du peuple des Chachapoyas, qui a longtemps résisté aux premiers, avant de se faire conquérir, comme à peu près tout le monde dans le secteur il y a quelques centaines d’années.
Le départ de Chachapoyas est à 7h du mat et moyennant deux petites heures de bus on arrive à mi-chemin, en terme de dénivelé. Pour la suite, il faut passer par un téléphérique qui va nous faire gagner quelques centaines de mètres 15 minutes, c’est toujours ça qu’on n’aura pas à se coltiner à pied, une nouveauté en Amérique du sud. Le téléphérique a aussi l’avantage non négligeable de pouvoir admirer la vallée qui défile sous nos pied, prendre quelques photos de ce panorama imprenable et enfin de chercher un quelconque rapace, en vain…
C’est là-haut que la visite commence. Notre guide est un étudiant en histoire qui fait ça sur son temps libre, autant dire que le bonhomme est passionné. On en apprend plus sur la civilisation Chachapoyas, sa résistance aux Incas et finalement la conquête par ces derniers. N’ayant pas été au Machu Pichu, je ne peux pas comparer, mais la vue depuis Kuélap vaut le détour. On surplombe les montagnes et on voit sur des kilomètres à la ronde, mais toujours sans rapace…
On rencontre Pierre un français en vadrouille pendant 3 semaines et deux potes américaines qui se font plaiz après leurs études. Une fois rentrés, on retrouve tout ce petit monde pour un resto le soir même. Un mouvement pour sortir en boite s’initie mais je décline, demain il est prévu de décoller à 6h30 direction l’Équateur, mais ça n’arrête pas Martin, ce qui n’est pas sans conséquences sur la suite des évènements.
+1 en jonglage, option colectivo
Depuis Tarapoto, le plan est de rejoindre Chachapoyas avant de filer en Équateur. Mais voilà, le hic c’est que qu’il y a eu des inondations monstres sur la côte.
Au début pas trop de surprise, au sortir de l’Amazonie en saison des pluies, une inondation ça ne surprend pas trop. Mais sur la côte, qui est un désert, le mot « inondation » n’a pas la même signification qu’en Amazonie et en voyant les images de Trujillo (où je me trouvais il y a 10 jours) de Chiclayo et de Piura (par lesquelles il faut passer pour passer la frontière) on doit revoir nos plans pour atteindre l’Équateur.
Mise en place d’un plan B donc. Comme l’option côte est à/sous l’eau, on passera par la montagne. En termes de simplicité, on baisse d’un cran mais en termes d’aventure on prend un niveau de plus. Le plan c’est de rejoindre la ville équatorienne de Zumba mais pour ça, il faut relier les points sur la carte parce que Chachapoyas-Zumba d’une traite, ça n’existe pas. L’unique option est d’enchainer les colectivos via un itinéraire riche et varié à savoir Chachapoyas-Bagua Grande-Jaén-San Ignacio-frontière-Zumba, soit 5 véhicules différents sur la journée, plus le passage de frontière, un joyeux périple en perspective…
Le problème du départ, c’est que Martin est rentré à 4 h du matin et pionce comme un loir bourré. Du coup, décoller de l’hostel à 6h30 comme prévu se révèle ardu, voire foupoud’av. Me voilà donc à 7h, prêt à tracer, à attendre que le collègue s’arrache de l’oreiller. Comme le mode « keep moving » est activé, je trépigne en le secouant toutes les 10 minutes. Cette journée devait être pleine de cacophonie des destinations scandées au terminal, de négociation du prix le tout agrémenté de longues contemplation du paysage les écouteurs dans les oreilles, en mouvement permanent… C’est donc un violent combat intérieur qui s’est engagé pour ne pas planter le collègue là. Mais bonne poire je patiente jusqu’à ce qu’il s’arrache du lit, pas le temps de prendre le petit déj, on file !
Première étape : Chachapoyas-Bagua Grande 120km, un bonne entrée en matière via 2h de colectivo. On y finit surtout la nuit en serpentant dans les vallées profondes du nord du Pérou tout en perdant de l’altitude au fur et à mesure que la végétation reverdit autour de nous.
La suite c’est de rallier Jaén, dernière ville d’importance avant la frontière. L’enchainement se fait en un claquement de doigts. A peine débarqués du colectivo, on se retrouve dans un taxi avec 2 autres personnes, bien serrés à l’arrière. Tandis que Martin continue de se remettre de sa nuit, je savoure le paysage, plus plat, plus vert mais toujours un peu sec, on se croirait presque au milieu du maquis provençal où la voiture fonce à 110 à l’heure, ce qui expédie les 65 km en 40 minutes.
A Jaén, changement de terminal. Moyennant un petit tour en moto-taxi (le petit dernier au milieu des péruviens et ouverts aux courants d’air) on attrape un autre colectivo qui part dans les 10 minutes, on jongle, on enchaine et le timing est de notre côté. Pour ce trajet la route est plus pourrie et les arrêts plus fréquents. Du coup, il faudra 3h pour rejoindre notre but. Mais le cadre en vaut la peine, les vallées que l’on traverse sont de plus en plus vertes et boisées dans ce soin perdu du Pérou ou peu de touristes doivent mettre les pieds mais qui doit regorger d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et autres qui y vivent tranquillement, à l’opposé des oiseaux marins de Paracas.
A San Ignacio, les choses sont un poil moins simple, mais juste un poil. Entre un changement de terminal (négligeable dans ce bourg) et 45 min d’attente (le temps de faire un poisson frit/riz), on repart, cette fois vers la frontière. Un frontière reculée à en juger par l’escarpement croissant des vallées alors qu’on sent l’Équateur qui se rapprochent au fur et à mesure que ateliers « séchage de café » se multiplient dans les villages traversés.
Enfin la frontière : un pont au milieu de nulle part, 3 baraques côté Pérou, 3 baraques côté Équateur : match nul. Au poste de contrôle, deux bonhommes qui devaient faire la sieste il y a un quart d’heure s’occupent de 3 argentins et on souffle un peu à l’extérieur. Les formalités sont expédiées en 5 minutes, le temps de remplir le petit papelard habituel, et on dit à plus au Pérou pour continuer à avancer, tout droit en Équateur.
Une fois passés le pont, c’est le duo classique poste frontière/bureau de change qui s’enchaine. Finit les conversions et le calcul mental permanent, on passe au dollar américain, pas loin de l’euro, finit les maux de tête ! En revanche, notre patience est mise à l’épreuve puisque le prochain transport pour Zumba ne part que dans 2h, de quoi papoter avec un italienne en vadrouille qui elle file jusqu’à Cuenca (10h de bus) en cette fin d’aprèm. Le transport pour Zumba est d’un genre nouveau, une sorte de camion agrémenté de bancs (étroits) et ouvert sur les côtés, soit de quoi se faire les fesses pendant les 2 heures qu’il nous reste pour atteindre la ville et accessoirement les routes goudronnées, parce que pour l’instant, c’est encore du bon vieux chemin de terre des familles…
Zumba est atteinte à la nuit. Tandis que l’Italienne poursuit sa route et que les Argentins logent « à l’argentine » (le moins cher possible, soit la tente dans un parc), on se choppe un hôtel à 10$ la nuit, de quoi se faire une première idée des prix locaux et tout lâcher après ce marathon, mais qui se poursuit demain pour rallier Cuenca.