Tarapoto, la porte d’entrée (cerbère en moins)
A la descente du bus, un chauffeur de moto-taxi m’a déjà repéré et ne lâche pas pendant que j’attends de récupérer mon sac devant la soute. Malgré mes efforts pour émettre des signaux « lâche-moi la grappe » le bougre est tenace et, vaincu par la nuit dans le bus et le prix cassé, il m’aura à l’usure.
Je découvre Tarapoto en même temps que la moto-taxi et le nouveau point de vue qu’elle offre, en première ligne, directement exposé aux bruits et aux gaz d’échappement, plus près des locaux et de la réalité.
A l’Alojamiento El Mirador, première surprise de taille, j’ai une chambre avec salle de bain et lit double plus balcon pour moi tout seul, un luxe pareil ne m’était pas arrivé depuis 162 jours, soit depuis mon départ de Shanghai, en ajoutant la gentillesse extrême du staff de l’hôtel, Tarapoto démarre sur une bonne impression.
La terrasse sur le toit me permet aussi d’apprécier la vue sur les montagnes verdoyantes. On n’est pas encore en Amazonie ici, la selva est de l’autre côté de la Cordillera Escalera, dernier contrefort andin avant la plaine et au-delà, on passe dans le bassin versant de l’Amazone où toutes les eaux ont pour destination l’Atlantique.
A 500m d’altitude, la ville offre un climat plus agréable que sur la côte et un paysage plus vert, on est loin du désert de Paracas. L’autre différence notable avec Paracas et principale raison de mon attachement à Tarapoto, c’est la quasi-absence de touristes. Il y a bien quelques agences qui proposent des tours vers des cascades et lagunes mais personne ne va t’accoster dans la rue pour te les vendre ou bien faire le planton devant sont resto pour racoler le gringo. Tarapoto n’a pas de monument historique remarquable ou d’architecture coloniale mais est active sans touristes, vivante, bruyante mais pas trop, péruvienne, vraie.
Mais l’objectif principal n’est pas Tarapoto. Ma venue ici a pour but de débusquer Ranitomeya imitator, un dendrobate apparemment fréquent dans la région. Loin des agences qui proposent cascades et autres sites plus photogéniques que naturalistes, la Asociación de Protección de Flora y Fauna propose des tours organisés dans la Cordilera Escalera où les guides sont aussi en charge de suivis naturalistes.
L’adresse de tripadvisor m’amène dans un coin en bordure de la ville où les rues passent aux pistes et où je ne trainerai pas de nuit, mais d’association pas la trace. De retour à l’hôtel, c’est finalement la proprio qui me sauve la mise en appelant non seulement l’asso mais aussi un moto-taxi qui m’y amène, m’attend et me ramène. Côté locaux, on est aux antipodes de la rue Ste-Hélène à Lyon, le quartier est similaire à celui cité précédemment et le tout se limite à un bureau avec quelques dossiers et un plan de la réserve naturelle en arrière d’une maison remplie de gosses braillards.
C’est donc parti pour 2 jours tout compris pour 94€ tout compris, depuis le moto-taxi jusqu’aux repas. Le temps de répartir les affaires étalées et je me fais une pizza sur le toit de l’hôtel.
Herpétologie tropicale et mise en jambes pour la suite
A l’entrée de la réserva je rencontre Tom, un voyageur américain parti pour 3 jours. J’en profite pour briefer mon guide sur mon objectif des 2 jours, à savoir trouver un maximum d’amphibiens (et d’oiseaux et reptiles tant qu’à faire). Le temps de faire les essayages de bottes et on est partis.
Le climat est plutôt clément à cette altitude, la température parait douce mais je découvre rapidement que ce n’est pas le plus important. A la première montée, en sueur au bout de 100m, force est de reconnaitre que c’est l’humidité qui compte, bien inspiré d’avoir pris 5 litres d’eau, j’en siffle le premier à la fin du premier col, après 2h de marche.
Mais la Cordilera Escalera est à la hauteur de ses promesses batrachologiques avec déjà 2 amphibiens observées.
En début d’après-midi, on atteint notre base, à savoir une cahute en bois avec un espace hamac à l’étage. Trop content de pouvoir sortir le mien, je m’y installe pour une petite sieste après le triptyque poisson frit/riz/platano, principale menu des 10 prochains jours (petit déj compris) en ce qui me concerne.
L’après-midi est le temps d’une balade vers une cascade proche, le temps de faire trempette sous la chute d’eau (bienvenue compte tenu de l’état de moiteur de ma chemise, censée être respirante) et cocher Hypsiboas cinarescens, bien cachée sous mes affaires au terme de la baignade.
La nuit tombe sur les coups de 18h30 et après manger, je repars, frontale en tête, pour une exploration poussées des environs. La forêt tropicale de nuit est une ambiance particulière, plus bruyante que de jour d’abord et plus oppressante aussi. Les chants d’amphibiens et d’orthoptères (criquets et sauterelles) incessants tendent au maximum la concentration sur le petit faisceau de la lampe et chaque pas se fait après un examen minutieux de chaque cm² dans un rayon de 5m.
Ce premier contact avec la faune nocturne tropicale est riche : trois espèces d’amphibiens, deux de serpents et plusieurs mille-pattes et arachnides, dont un particulièrement repoussant, qui ferai passer une tarentule pour une charmant animal inoffensif. Mais une pointe de frustration reste, ma Ranitomeya imitator reste invisible malgré mes efforts et je m’endors dans mon hamac malgré tout bien content de ma journée.
Le lendemain matin est le temps d’une autre expédition vers une autre cascade et d’une autre montée éprouvante. Mais avant tout ça, c’est l’heure du petit déj poisson/riz/platano avec en complément ma première observation de singe en liberté. Le petit gars n’est pas farouche et, c’est malheureux, mais il faut lui faire peur, déjà pour garder notre nourriture intacte mais aussi lui éviter des problèmes avec des humains moins sympathiques à l’avenir.
Au cours de la marche qui suit, je mesure l’intérêt d’effectuer ce tour avec une association naturaliste puisque notre guide, en charge également de suivis ornitho et batrachologiques (il connait tous les chants d’oiseaux et d’amphibiens plus leurs noms scientifiques), nous dégotte au détour d’un virage en épingle une petite Ranitomeya imitator. Le bonhomme a le coup de main car la bestiole est vive et ne se laisse pas faire. De la taille d’un ongle je la mitraille, trop heureux de pouvoir finalement admirer cette merveille, de loin le plus bel amphibien que j’ai pu voir jusqu’à aujourd’hui. Plus tard, il est déniche une autre après l’avoir entendue et j’apprends qu’en fait, la bête était plutôt abondante dans les environs de la cahute. Un peu frustré à retardement je me rattrape en trouvant la troisième sur un tronc mort en bordure du sentier.
De retour à notre base, l’après-midi est le temps du retour alors que Tom part vers un point de vue sur les environs avec un autre guide. Le retour se fait sans autre observation notable et je retrouve mon hôtel pour admirer le coucher de soleil sur le toit avec une bière et un bon petit paquet de photos à trier.
Fort de cette première expérience je me prépare à partir demain pour le gros morceau qui arrive : Pacaya Samiria pendant 5 jours mais comme toujours, l’imprévu est au coin de la rue.
Infos pratiques :
Arriver à Tarapoto : La compagnie MovilTours rallie directement Trujillo à Tarapoto pour 100 soles.
Alojamiento El Mirador : 60 soles la nuit, petit déjeuner compris avec des lits confortables, des tauliers adorables et une terrasse sur le toit avec une vue sur la ville et les environs.
Asociación de Protección de Flora y Fauna : Propose des tours de 1 à 3 jours, repas compris avec un guide naturaliste.
Il n’y a pas beaucoup de taxis classiques à Tarapoto mais une flopée de moto-taxi qui prennent 3 soles la course, si on vous propose plus de 5, négociez, ça sent le prix gringo à plein nez.